Au-delà de la ferme : les retombées collectives de la zone agricole au Québec
Introduction
Au Québec, la zone agricole est souvent perçue comme un espace de production, un lieu de travail réservé aux agriculteurs. Pourtant, elle représente bien plus que cela. Derrière chaque hectare cultivé se cachent des bénéfices collectifs considérables, dont profitent les citoyens, les municipalités et même les entreprises, sans qu’ils aient à en payer directement le prix.
En économie, on parle alors d’externalités positives; des avantages générés par une activité qui profitent à d’autres sans compensation financière. La zone agricole permanente, créée par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA), en est un parfait exemple : elle produit des richesses économiques, sociales et environnementales qui renforcent nos communautés, nos paysages et notre identité collective.
Habiter un territoire, c’est une condition pour le comprendre, s’y intéresser et le protéger, en fonction de nos besoins actuels et futurs. Dans ce dernier article de notre série sur la zone agricole, découvrons ensemble les retombées collectives de cette protection et la manière dont elle contribue à un aménagement du territoire durable et cohérent.
Des retombées économiques et territoriales concrètes
La zone agricole constitue l’un des piliers du développement régional. Elle soutient des milliers d’emplois, stabilise les économies locales et participe directement à l’attractivité des milieux ruraux.
Un moteur d’emploi et de services
Des dizaines de milliers d’emplois directs sont liés à la production agricole, auxquels s’ajoutent des milliers d’emplois indirects dans la transformation, le transport, la distribution et les services. Chaque ferme fait vivre plusieurs familles : agriculteurs, employés saisonniers, fournisseurs, vétérinaires, mécaniciens, transformateurs et commerçants.
En collaborant étroitement avec ces entreprises locales, les activités agricoles contribuent au maintien des services publics : écoles, commerces, routes et services de proximité. Un territoire actif, habité et productif, c’est un territoire capable de se développer et d’investir dans son avenir.
Une planification territoriale efficace
Parfois, nos décideurs ne le réalisent pas, mais la zone agricole permanente agit comme un puissant levier de planification territoriale durable.
En limitant la dispersion des habitations et des infrastructures non agricoles, elle incite les municipalités à innover et à repenser leur aménagement du territoire à l’intérieur des zones déjà urbanisées, c’est ce que l’on appelle la densification.
À long terme, cette approche se révèle bénéfique : elle réduit les coûts publics liés à l’approvisionnement en eau potable, à la gestion des eaux usées, au développement routier et à l’entretien des infrastructures. Cette planification plus cohérente renforce la résilience économique et territoriale des régions tout en préservant les terres agricoles pour les générations futures.
Des effets sociaux et identitaires durables
La zone agricole n’est pas seulement un espace de production : c’est aussi un milieu de vie, un symbole d’appartenance et un vecteur d’identité régionale à renforcir.
Des communautés ancrées dans leur territoire
Vivre à proximité des espaces agricoles, c’est profiter d’un cadre de vie à échelle humaine, où le rythme du territoire favorise les relations de proximité et l’entraide. Dans les milieux ruraux, les voisins se connaissent, se dépannent et partagent un sentiment commun d’appartenance au lieu. Cette solidarité du quotidien façonne des milieux de vie où le lien social se tisse autour des saisons.
Aujourd’hui, avec le développement du télétravail et le retour vers les régions, les territoires agricoles accueillent une nouvelle diversité : jeunes familles, nouveaux arrivants, retraités ou travailleurs immigrants. Cette cohabitation, parfois exigeante, transforme les communautés rurales en milieu de vie mixte et dynamique. Ensemble, ces populations renouvellent la vie communautaire, stimulent les services de proximité et redonnent un souffle à plusieurs villages ruraux du Québec.
La chasse récréative joue un rôle important au sein des communautés rurales. Cette pratique contribue également à la gestion durable des populations animales et au maintien de l’équilibre écologique. Au-delà de l’aspect pratique, la chasse représente un marqueur identitaire pour les familles et les communautés, rappelant le lien historique entre les habitants et leur territoire et renforçant le sentiment d’appartenance à un patrimoine collectif vivant.
Un patrimoine vivant
La protection du territoire agricole contribue aussi à la préservation du patrimoine collectif. Les champs aux couleurs changeantes au gré des saisons, les bâtiments agricoles et les chemins ruraux racontent l’histoire du Québec. Ils rappellent le lien profond entre la terre et l’identité culturelle.
Cette mémoire territoriale renforce les fiertés régionales de tout le Québec et inspire des initiatives locales de mise en valeur, comme les circuits agrotouristiques (Route des saveurs, Route des vins), la restauration des patrimoniales bâtie, ou encore les marchés publics et projets d’agrotourisme qui célèbrent les savoir-faire locaux.
Des bénéfices environnementaux et climatiques essentiels
En plus de ses effets économiques et sociaux, la zone agricole joue un rôle déterminant dans la lutte contre les changements climatiques et la préservation de la biodiversité.
Des puits de carbone naturels
Les terres agricoles, lorsqu’elles sont bien gérées, participent à la séquestration du carbone dans les sols, réduisant ainsi les émissions nettes de gaz à effet de serre. Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, les pratiques de conservation des sols et la gestion durable des cultures augmentent significativement la capacité des sols agricoles à agir comme puits de carbone.
Des corridors écologiques et une régulation naturelle
La continuité des zones agricoles permet de préserver des corridors écologiques essentiels à la faune et à la flore. En limitant la fragmentation du territoire, ces espaces ouverts favorisent la circulation des espèces, le maintien des populations animales et végétales, et la connectivité entre les habitats naturels. Avec les îlots et les bandes boisées, ils offrent des zones de refuge et des couloirs de déplacement pour les animaux, facilitant la reproduction, l’accès à la nourriture et la dispersion des espèces. Selon le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, les zones agricoles jouent un rôle important dans le maintien de la connectivité écologique, contribuant ainsi à la conservation de la biodiversité et à l’intégrité des paysages ruraux.
Conclusion
Malgré ses bénéfices évidents, les externalités positives de la zone agricole, comme l’alimentation de proximité, les paysages, l’attractivité des territoires et la biodiversité, restent encore peu reconnues dans les mécanismes économiques et politiques. La société en bénéficie sans nécessairement contribuer à leur maintien. Reconnaître la valeur réelle de ces services, c’est aussi reconnaître le rôle essentiel des producteurs, des municipalités rurales et des acteurs sociaux économiques du territoire. Il faut réfléchir collectivement aux moyens de valoriser ces contributions par la planification territoriale, des programmes incitatifs ou la concertation régionale.
La zone agricole dépasse le cadre d’une simple limite réglementaire : c’est un actif collectif et un outil de développement durable. Elle soutient nos économies régionales, structure nos communautés, préserve nos paysages et protège notre environnement. Protéger la zone agricole, c’est investir dans la qualité de vie, l’autonomie et la résilience de nos régions, et reconnaître que ce patrimoine commun mérite d’être compris, valorisé et soutenu.
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